“Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez jamais pu brûler.” Ce slogan inventé dans les années 70 a ressurgit récemment dans les manifestations et dans l’art féministe.
La sorcière est un concept défini entre le début du XVème siècle et le milieu du XVIème, aux siècles de l’Humanisme et des Lumières. À cette époque, du fait de la peste et des guerres de religion, la procréation, la sexualité et l’autonomie des femmes vont devenir une préoccupation centrale pour les États et les juristes. Pendant près de 300 ans, en Europe, près de 10 000 personnes vont être jugées et près de 60 000 exécutées. Le caractère public des jugements et bûchers, dont beaucoup seront collectifs, va en faire un instrument de contrôle social aux effets longs.
La chasse aux sorcières est médiatisée auprès du grand public en 2020 avec l’ouvrage de Mona Chollet, Sorcières : la puissance inconnue des femmes. La journaliste au Monde Diplomatique examine trois types de femme que ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés et ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante – puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant – puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
En 2014 paraît en France Caliban et la sorcière de Silvia Federeci. Dans cet ouvrage majeur de l’histoire des femmes, l’historienne marxiste analyse la chasse aux sorcières comme une attaque au pouvoir des femmes. Pour elle, cette épisode de répression a été le point d’orgue de l’entreprise par laquelle l’Etat et les hommes ont domestiqué et exproprié les corps des femmes en les excluant du travail salarié, en démonisant leur sexualité et en détruisant de leurs savoir contraceptifs.
Le festival d’histoire de Pessac présente trois films sur ce sujet.
Le documentaire À mort la sorcière révèle les rouages d’une machine judiciaire infernale qui a mené au bûcher des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants. Fanny Baye montre, dans sa critique, que les femmes ont été les boucs émissaires d’une sombre époque.
En miroir de cette nouvelle conception de la chasse aux sorcières comme une répression de femmes puissantes, Les sorcières d’Akelarre, raconte la répression de femmes d’une région où les femmes sont relativement libres. L’intrigue se situe non loin du festival, dans un village des Pays Basque, en 1609, quand six femmes sont arrêtées pour sorcellerie. Ce film étant une fiction où les faits historiques y sont largement romancés, un article reprend retrace la vraie histoire de cette mission judiciaire qui fut une opposition entre un territoire chargé de spiritualité matriarcale et des hommes aux valeurs catholiques patriarcales.
Des chasses aux sorcières n’ont pas disparu en 2022. Le film I’m not a witch nous plonge dans le quotidien d’une petite fille de Zambie accusée de sorcellerie. Ségo Raffaitin a analysé cette comédie dramatique qui frise avec le burlesque.
*Salvator Rosa. Le Sabbat des sorcières. vers 1646. Londres National Gallery.