Winston Churchill est un héros de la Grande-Bretagne, celui qui a vaincu l’Allemagne nazie. Militaire, premier ministre, il a aussi été journaliste et écrivain. Ses écrits, qui lui valent le prix Nobel de littérature en 1953, l’inscrivent dans l’Histoire et participent à sa légende.
“Tiens, je ne savais pas que j’écrivais si bien” réagit Winston Churchill, surpris de recevoir en 1953, le prix Nobel de Littérature. Il est surtout déçu de ne pas obtenir le Nobel de la paix. Le héros de la Seconde Guerre mondiale, l’homme qui a œuvré à la destruction du régime nazi et à l’instauration de la paix en Europe est récompensé pour l’ensemble de son oeuvre, 58 livres et des discours comme la chambre des communes britannique en a rarement entendus. Aujourd’hui, ses textes permettent de retracer l’histoire des deux grandes guerres mondiales, mais surtout une grande partie de sa propre épopée.
Le premier ministre britannique a laissé sa trace dans l’Histoire à travers des discours poignants, qu’il a souvent publiés sous forme de livres. Dans les années 1930, élu à la chambre des communes, il prenait souvent la parole pour prévenir du danger d’une Allemagne nazie qui n’inquiétait alors que très peu ses contemporains. « Il donnait toujours l’impression d’improviser, mais pas du tout ! Il écrivait absolument tout, y compris ses pauses », raconte François Kersaudy, historien spécialiste de Winston Churchill. « Il était un écrivain avant tout ! »
Lorsqu’il termine ses études à l’académie royale militaire de Sandhurst, il désire plus que tout partir sur d’autres continents où les combats sont les plus dangereux. Les campagnes militaires sont très onéreuses, et le jeune Churchill n’en a pas, les officiers disposant alors d’une faible rente. Le futur prix Nobel devient correspondant de guerre notamment pour le Daily Telegraph. Dans ses chroniques il se permet même de critiquer les stratégies militaires de ses supérieurs. Inde, Soudan, Afrique du Sud. Il publie plusieurs livres racontant les campagnes auxquelles il participe, et relatant surtout ses propres exploits, comme lorsqu’il sauve son régiment lors d’une mission de reconnaissance à la frontière nord-ouest de l’Inde, ou quand il parvient à s’échapper des geôles des troupes ennemies au Soudan.
L’écriture, la voie royale vers la politique
Sa carrière littéraire est lancée. Celle-ci déclenche sa carrière politique. Quand Winston Churchill quitte l’armée pour le Parlement, tout le monde a lu ses exploits dans la presse, y compris les hommes politiques eux-mêmes. À la chambre des communes il devient rapidement le grand spécialiste des questions militaires, si bien qu’en 1911 il est nommé ministre de l’Amirauté, à la veille de la Première Guerre mondiale. Sa notoriété, acquise en partie grâce à ses écrits, le place au bon poste, au bon moment. À la fin de la guerre, le Royaume-Uni sait qu’il est l’homme dont ils auront besoin si un nouveau conflit survient.
La Grande-Guerre relance aussi le Churchill écrivain, qui publie six volumes à son propos, comme il le fait encore plus tard, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Ces ouvrages relatent son rôle dans ces deux conflits, ministre et soldat dans les tranchées lors du premier, premier ministre lors du second. Ils laissent aussi une trace importante pour les historiens, pour qui les livres de Churchill représentent aujourd’hui une base de travail non négligeable.
En racontant ses propres exploits au cours de nombreux conflits, Winston Churchill a écrit lui-même sa légende. Son oeuvre, qui se veut historique, est également largement autobiographique. À sa vie en temps de guerre, s’ajoute sa jeunesse, sur laquelle il a publié un ouvrage en 1930. « L’histoire me sera indulgente car j’ai bien l’intention de l’écrire », disait-il. En s’appuyant sur ses écrits, les historiens prennent-ils le risque de manquer d’objectivité ? Pour François Kersaudy, la réponse est non : « Lorsqu’il écrivait sur la seconde guerre mondiale, il s’était entouré de nombreux spécialistes qui faisaient des recherches. Il ordonnait aussi à certains commandants de lui écrire plusieurs pages sur telle ou telle bataille, pour avoir toujours le plus d’informations possibles« .
Raconter Churchill la légende
Le cinéma aussi s’empare du sujet Churchill, dont les discours ont marqué l’Histoire et dont les écrits donnent un avant-goût d’une époque déjà derrière nous. Pour David Korn-Brzoza, réalisateur du documentaire « Churchill, un géant dans le siècle », s’appuyer sur les textes de l’ancien premier ministre participe à la légende.
Lorsque l’académie Nobel désigne Winston Churchill pour son oeuvre littéraire, elle le récompense pour «sa maîtrise de la description historique et biographique ainsi que pour ses discours brillants dans la défense des valeurs humaines exaltées». S’il a pu participer à sa propre légende, l’homme d’Etat a toujours raconté l’Histoire telle qu’elle s’est réellement déroulée. Le « vieux bouledogue » n’est pas ému par les mots de l’Académie. C’est sa femme qui va chercher le prix à sa place, lui n’en voulait pas.
Benjamin Aguillon, Kevin Gaignoux et Claire Thoizet
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