Sept ans après son dernier long métrage, Vincent Perez revient avec un film historique sur l’art du duel. Une critique aux allures féministes qui laisse sur sa faim.
Le nouveau film de Vincent Perez sortira en salle le 27 décembre 2023.
Dans le Paris des années 1880, le duel est une affaire d’hommes – avec un petit « h » mais un gros ego. Les femmes sont exclues de la conflictualité violente. Elles sont objets de la passion masculine, plus que sujets. L’honneur est un « organe » qu’elles sont réputées ne pas avoir. Alors, pas besoin de le défendre épée à la main.
Sept ans après Seul dans Berlin, son dernier long métrage, Vincent Perez nous propose un film d’époque, historique dans ses décors et ses costumes, contemporain dans ses résonances. Les problématiques du passé font écho à celles du présent. Le cinéaste n’a pas de mal à nous convaincre du machisme ambiant, de la centralité de la virilité, que l’on porte comme un étendard et que l’on défend corps et âme. La mort au bout de l’épée. « Dites-lui que l’honneur ne vaut rien si c’est pour perdre la vie », s’époumone en vain une mère de famille, qui finira par enterrer son fils. Qu’importe, le phallus a ses raisons que la raison ignore.
À voir les premières minutes du film, on se dit donc que le réalisateur embrasse la critique féministe de la masculinité. Sa démarche paraît facile. Trop facile. Il ne suffit pas de pointer du doigt les comportements masculinistes, il faut également mettre en scène la résistance féminine de façon probante. À ce jeu, n’est pas Céline Sciamma qui veut. Si les intentions sont bonnes, force est de constater que la réalisation nous trompe (un peu) sur la marchandise.
Dans l’ombre du maître
Le pitch est univoque : le maître d’armes Clément Lacaze (Roschdy Zem) décide d’enseigner l’art du duel à Marie-Rose Astié de Valsayre (Doria Tillier), une féministe du XIXe siècle ayant réellement existé. Mais la rencontre initiatique entre le maître Lacaze et l’élève Astié de Valsayre ne représente en tout et pour tout qu’un tiers du film. Le dernier. Et on en sort profondément déçu. L’apprentissage du maniement des armes, qui, en quelques séances, transforme une aristocrate en d’Artagnan, semble bien peu crédible.
Contrairement aux apparences du début, le personnage principal n’est autre que Clément Lacaze, pris tour à tour dans des duels à l’épée, au pistolet et au sabre. C’est sa rivalité avec le Colonel Berchère, interprété brillamment par Vincent Perez lui-même, qui est sous le feu des projecteurs. Les saillis de Marie-Rose Astié de Valsayre contre l’ordonnance de 1800 qui interdit aux femmes de porter un pantalon sans l’autorisation du préfet de police ne sauraient nous persuader du contraire. La relation sentimentale qui se noue entre Clément Lacaze et elle, non plus. La faute peut-être au jeu trop timoré de Doria Tillier. On a envie d’être révolté avec elle, au milieu de tous ces hommes, mais on n’y arrive pas. On a envie d’être ému, mais rien ne se passe. C’est froid, on sent le texte derrière la réplique.
Le film se termine avec une Marie-Rose Astié de Valsayre, qui – comme un mauvais symbole – est assise dans les tribunes du duel final, spectatrice clandestine, privée du climax du film. On se demande alors, pourquoi les intentions de ce long métrage insistent autant sur l’enseignement transgressif du duel à une femme ? Avec une morale finale aussi plate que « l’amour d’une femme est capable d’apaiser la rage d’un homme », Vincent Perez échoue à tenir la promesse féministe de ce film somme toute convenu.
Adam Lebert