Lancée fin 2022, la plateforme de streaming vidéo en direct ambitionne de faire de l’ombre au mastodonte Twitch. Ses rémunérations généreuses et sa liberté de ton séduisent de plus en plus de streamers, dont certains parias du géant américain.
Généré par une IA / Compte X de Kick
Quelques heures passées sur Kick permettent de prendre le pouls. Sur la page d’accueil se côtoient du gaming, mais surtout beaucoup de casino en ligne et de «camgirls», essentiellement des femmes très peu vêtues qui diffusent des scènes érotiques. Comme un pied de nez au «puritanisme» de Twitch, Kick permet à peu près tout et c’est ce que viennent chercher streamers et viewers.
Avec une politique plus souple quant aux bannissements, la plateforme fondée par l’australien Ed Craven (créateur du site de casino en ligne Stake, société mère de Kick) promet une liberté quasi-totale. En témoigne le cas d’Adin Ross, célèbre streamer américain qui a migré après avoir été banni de Twitch pour des propos homophobes, la plateforme d’Amazon lui reprochant également de n’avoir pas suffisamment modéré son chat, rempli de messages racistes et antisémites. Sur Kick, il a pu visionner en direct le Super Bowl – le championnat de football américain – sans en posséder les droits, se balader sur Pornhub ou encore interviewer un néo-nazi. Charmant. Et si certains flirtent avec la légalité, d’autres franchissent carrément la limite.
Le far west du streaming
En septembre dernier, le streamer américain Ice Poseidon (Paul Denino de son vrai nom) est en direct sur Kick. Ce n’est pas lui qui apparaît à l’image, mais un homme payé pour l’occasion. La scène se situe dans un salon d’appartement : l’homme accueille une escort girl, prévenue de la présence de caméras. Après quelques minutes, la femme, mal à l’aise, décide de partir. Elle ouvre la porte, l’homme la bloque. Après ce court instant de séquestration, la femme réussit malgré tout à tirer la porte et s’enfuit. Dans le chat, le fondateur de Kick lui-même s’amuse de la scène.
Certains pays prennent déjà les devants. C’est le cas de la Grèce, qui a bloqué l’accès à la plateforme depuis juin dernier. En cause : le risque sanitaire que présentent les jeux d’argent, omniprésents sur Kick. D’autres pays pourraient emboîter le pas comme…la France. Surtout que l’Autorité nationale des jeux (ANJ) a déjà eu affaire à Stake, la société de casino en ligne gérée par Ed Craven, qui a pignon sur rue sur la plateforme de streaming.
Un modèle économique douteux
Agressif, le modèle économique de Kick repose sur deux étapes. D’abord, draguer les streamers présents sur Twitch, notamment les bannis et ceux qui n’y trouvent plus leur compte. Puis les rémunérer grassement. Là où un streamer prétendait à 50% des recettes de son stream sur Twitch (la plateforme récupérant l’autre moitié), il touchera désormais 95% sur Kick.
Un argument qui a convaincu le streamer français de gaming chowh1, à la communauté de plus de 750 000 abonnés, de migrer en juin dernier. Six mois plus tard, il met un terme à son contrat pour revenir sur Twitch. Un rétropédalage peu anodin qui peut être vu comme l’épuisement d’une mode, celle du trash et d’un modèle économique douteux.
Alexis Gonzalez & Mathis Slimano