Premier film consacré à celle qui fut la première star mondiale, Sarah Bernhardt, La Divine, réalisé par Guillaume Nicloux, se plonge dans l’intimité du personnage éponyme en s’émancipant des codes du biopic.
« Si vous l’imitez, vous êtes foutus ! Alors jouez avec votre âme, bon sang ! » Cette réplique de Sarah Bernhardt, incarnée par Sandrine Kiberlain, résume bien le projet de Sarah Bernhardt, La Divine. On ne cherchera pas à reproduire la voix enchanteresse de ce « monstre sacré » décrit par Cocteau, qui a séduit par-delà les continents et les barrières linguistiques. On ne cherchera pas non plus, au-delà de la première scène du film, à copier le jeu de celle qui faisait s’évanouir dans les salles. « On voulait inventer notre Sarah », insiste son interprète. Sage décision, ou prise de risque ?
Ainsi, le film s’éloigne du chemin tout tracé du biopic. Il s’attache à réaliser un croquis cinématographique de la première star internationale, « pour essayer de donner la saveur de ce qu’était cette femme au parcours exceptionnel », expose son réalisateur Guillaume Nicloux. Sarah Bernhardt, La Divine s’intéresse à la femme derrière la star. Pour cela, il se concentre sur deux événements clés de sa vie : le jour de l’amputation de sa jambe et celui de sa consécration organisée par ses amis. Le tout relié par l’exploration d’une histoire d’amour (non avérée) entre elle et son homologue masculin Lucien Guitry (Laurent Lafitte). Sur son lit d’hôpital, Sarah raconte au fils Guitry, Sacha, l’histoire de sa consécration.
Du portrait à l’excès
Cette Sarah alitée est celle de sa devise, « Quand même » : celle qui ne lâche rien, bien décidée à remonter sur les planches. Elle s’imagine portée à l’aide d’une chaise impériale. La Sarah de la consécration, elle, est la libertine, amoureuse de Lucien Guitry, mais fréquentant aussi son amie Louise Abéma, ou encore Edmond Rostand. Elle est aussi l’excessive, qui réclame une greffe de queue de panthère, et taille à coups de ciseaux une précieuse maquette de théâtre. Ou encore l’intellectuelle, dreyfusarde convaincue, qui s’offusque de la naïveté de son entourage.
Le film cherche à représenter toutes ces facettes, pourtant, la promesse de capturer l’essence de Sarah Bernhardt n’est pas vraiment tenue. La faute, peut-être, à une part d’ombre trop grossièrement brossée, laissant frustrés ceux qui s’attendaient à rencontrer l’ensorcelante Sarah Bernhardt. On retiendra surtout une Sarah en avance sur son temps, réussie notamment grâce à des dialogues dynamiques et modernes.
La manière de filmer reste toutefois convenue, l’esthétique du film reposant principalement sur la flamboyance des décors, où figurent notamment des animaux exotiques (lire encadré ci-dessous). Plusieurs scènes de sexe et de violence physique et psychique semblent plutôt gratuites et viennent noircir le tableau, bien qu’elles permettent de calquer la tonalité du film sur la personnalité du rôle principal. Sarah Bernhardt, La Divine, a un arrière-goût de “trop”, pour le meilleur et pour le pire.
Athéna Salhi
Sarah Bernhardt, La Divine, Guillaume Nicloux, France, 1h38. Sortie le 18 décembre.
Des animaux sauvages sur le tournage
Pour représenter toute l’extravagance de Sarah Bernhardt, quoi de plus tentant que de la mettre en scène avec son lynx sur son canapé ? Il s’agit, certes, d’une vérité historique : Sarah Bernhardt possédait même un alligator. Toutefois, d’autres solutions existent que l’utilisation de vrais animaux sauvages dressés. La CGI (images générées par ordinateur) offre des résultats largement satisfaisants, comme l’a prouvé le live-action du Roi Lion sorti en salles en 2019.
Car même si ces animaux ne sont pas maltraités, la pratique peut poser question, à l’heure où le trafic d’animaux sauvages explose, aidé par les particuliers qui s’exhibent à leurs côtés sur les réseaux sociaux.