[FIFH 2022] Ruth Bader Ginsburg ou le combat d’une vie pour l’égalité

Sorti en 2019, Une femme d’exception présente le début de carrière de Ruth Bader Ginsburg et montre comment l’avocate va changer les lois discriminantes à l’égard des femmes. Un film aussi touchant qu’édifiant.

Felicity Jones dans Une femme d’exception. Copyright 2019 eOne Germany

1956. Ruth Bader Ginsburg avance d’un pas déterminé dans les couloirs de la faculté de droit d’Harvard. La caméra s’attarde un moment sur sa mallette en cuir, son tailleur bleu, ses talons, au milieu d’une foule d’hommes en costume. Le contexte est planté. Cela fait six ans que les femmes peuvent être diplômées d’Harvard. Lors de la cérémonie d’ouverture du premier semestre, Ruth Bader Ginsburg cherche du regard les autres femmes dans l’assemblée. Elles sont neuf cette année-là. Le doyen, Erwin Griswold, représente pleinement la société patriarcale de l’époque. Incarné par l’acteur Sam Waterston, cheveux gris et sourcils froncés, il ne cache pas son mépris envers les étudiantes, contraintes d’expliquer lors d’un repas en sa compagnie pourquoi elles viennent prendre “une place dévolue à un homme.” Soupir général dans la salle. 

Une femme d’exception raconte les études et le début de carrière de Ruth Bader Ginsburg, juge de la Cour suprême des États-Unis de 1993 à 2020, ayant profondément marqué la justice américaine. Le scénario est signé Daniel Stiepleman, neveu de la juriste. Le film se focalise sur le premier procès de Ruth Ginsburg. Celui qui va la faire connaître pour son combat contre les discriminations sexistes et remettre en cause les lois constitutionnelles. Entre 1972 et 1978, l’avocate plaide dans six affaires de discrimination basée sur le sexe devant la Cour suprême. Et en gagne cinq. 

A la source d’un grand destin 

Dans ce rôle principal, Felicity Jones, révélée en 2011 dans A la folie réalisé par Drake Doremus, est émouvante. Soutenue par un mari qui l’est tout autant. Le charismatique Armie Hammer, Oliver dans Call me by your name de Luca Guadagnino, interprète le rôle de Martin Ginsburg, époux encourageant et féministe pour son époque. Alors que ce dernier entame une carrière d’avocat fiscaliste, Ruth se voit refuser l’accès à une dizaine de cabinets d’avocats. Parce qu’elle est une femme. Elle enseigne alors le droit à une génération qui n’a plus rien à voir avec la sienne. La jeunesse des années 70, ouverte sur les questions d’inégalités sociales et prête à changer le monde. Derrière la détermination apparente de la brillante Ruth Bader Ginsburg se cache aussi de la fébrilité. Felicity Jones oscille entre enthousiasme et trouble. Tout est dans son regard. Celui qui crie tout bas la frustration et la colère. Celui qui convainc et défie.

“Faire capoter le système de discrimination”

Le biopic, réalisé par Mimi Leder, première femme diplômée de l’American Film Institute, met en lumière l’affaire Charles Moritz, dans laquelle Ruth plaide pour la première fois. Charles Moritz, célibataire d’une soixantaine d’années avait eu besoin d’embaucher une aide-soignante pour sa mère malade. Il aurait pu avoir une déduction fiscale s’il avait été une femme ou un veuf, mais son statut d’homme célibataire lui interdisait d’en bénéficier. Cette mesure sexiste offrit à la juriste et à son mari la brèche dans laquelle ils attendaient de pouvoir s’engouffrer pour faire capoter un système discriminatoire. Ruth Ginsburg savait que le fait que le plaignant soit un homme rendrait les juges plus réceptifs au concept de discrimination fondée sur le sexe. Ensemble, ils plaident devant la cour d’appel des Etats-Unis, et demandent la modification de la constitution : “Il faut défaire ces lois. Une par une.” Ruth se base sur son expérience personnelle, sur son destin de femme pour convaincre les juges. Et les dernières minutes du film se cristallisent. Ce n’est que le début pour cette icône féministe, qu’on découvre à la fin, gravissant les marches de la cour Suprême. Cette grande figure du droit américain est décédée deux ans après la sortie du film.

Ysé Rieffel

Une femme d’exception

Mimi Leder

USA, 121 min.