Quand l’intelligence artificielle rime avec calculs superficiels

Si l’impact environnemental de l’IA n’est plus à démontrer, son estimation globale reste toutefois en question, tant les angles morts sont nombreux dans le calcul.

Image d’illustration Pixabay (libre de droits).

L’entraînement d’une Intelligence Artificielle (IA) équivaut-il à cinq fois l’empreinte écologique d’un cycle complet de voiture ou moins de 2 % d’un vol aller-retour San Francisco-New York ? C’est peu ou prou la question que pose en filigrane la mise en perspective de deux études réalisées ces dernières années, la première en 2019 par des universitaires états-uniens, la seconde par des chercheurs de l’UC Berkeley et de Google en 2022, sur le coût environnemental de l’IA et ses sessions d’apprentissage de milliards de données. Pourtant, une plus grande interrogation se pose au final : quid des angles morts de la consommation de l’IA ? Gestion des déchets électroniques, évolution de la technologie ou opacité des pratiques…

Failles nombreuses

A l’instar du calcul du coût environnemental de l’IA, les facteurs problématiques sont nombreux. L’évolution des versions des IA peuvent ainsi rendre obsolètes les estimations basées sur des technologies plus anciennes. Les modèles d’IA plus récents et plus efficaces peuvent avoir une empreinte énergétique différente de celle des modèles plus anciens. De même que l’impact environnemental de l’IA dépend de la source d’énergie utilisée pour alimenter les serveurs. Or, l’estimation de cette variable peut être difficile en raison de la variabilité des sources d’énergie utilisées par les fournisseurs de services cloud. Également, la gestion des déchets électroniques est souvent sous-estimée alors que l’IA s’appuie sur des pièces informatiques qui doivent être entretenues. La fabrication et l’élimination des dispositifs électroniques utilisés pour exécuter l’IA peuvent ainsi avoir des impacts environnementaux significatifs, sans pour autant être pris en compte dans l’équation.

Manque de transparence

Mais surtout, pour Aurélie Bugeau, chercheuse en informatique à l’Université de Bordeaux, le principal problème tient à un problème de communication : « Or, les groupes industriels ne sont pas totalement transparents dans le partage des données de consommation de celles-ci. Il faudrait que chaque entreprise fournisse exactement les chiffres dans ses rapports environnementaux. » Un constat que partage Anne-Laure Ligozat, Sylvain Viguier et Alexandra Sasha Luccioni, chercheurs en intelligence artificielle et auteurs d’une étude d’estimation de l’empreinte environnementale de l’IA Bloom (le Chat GPT français). Dans celle-ci, ils écrivent : « une plus grande transparence est nécessaire en ce qui concerne les impacts environnementaux de la fabrication des équipements informatiques ». Pour eux, « les grandes quantités de produits chimiques et de minéraux nécessaires, les quantités importantes d’eau ultra-pure et d’énergie nécessaires à leur fabrication, ainsi que les chaînes d’approvisionnement complexes et à forte intensité de carbone » sont notamment les obstacles auxquels les chercheurs se heurtent. Une problématique à laquelle même ChatGPT n’a pas la réponse.

Timothée Gimenez @t_gimenezz