« Hippocrate aux enfers » : histoire et voyeurisme

Une liste d’horreurs d’une heure trente. Le documentaire Hippocrate aux enfers s’inspire du livre du très médiatique médecin Michel Cymes. Son réalisateur Jean-Pierre Devilliers, revient sur les abominations commises dans les camps par les médecins de l’Allemagne nazie. Il a été présenté en avant-première le 23 novembre 2017 au Festival international du film d’Histoire de Pessac.

L’objectif du documentaire : comprendre la cruauté de ces scientifiques censés guérir et qui ont entrepris les pires expérimentations. Michel Cymes est mis en scène sur toute la durée du film, silencieux, déambulant dans des décors tels que le camp d’Auschwitz ou la salle des procès de Nuremberg. 

Si l’on excepte quelques interventions d’historiens reconnus, Yves Ternon et Johann Chapoutot, le sensationnalisme est omniprésent dans ce documentaire et ne vient étayer aucun discours historique. Leur endoctrinement n’est pas interrogé, leurs expériences abominables sont livrées à blanc. Un instant d’histoire subsiste tout de même dans Hippocrate aux enfers : celui des images exceptionnelles du procès des médecins à Nuremberg en décembre 1946. Quitter les images des camps pour l’audience des 43 docteurs diaboliques permet tout de même d’historiciser ce catalogue terrifiant.

« Il faut montrer pour ne pas oublier. Je veux que ce film soit diffusé dans les lycées, en lien avec le programme d’histoire. Il faut tout montrer pour ne pas oublier », affirme Jean-Pierre Devilliers.

Ne jamais oublier les horreurs de l’Holocauste sans montrer des images terrifiantes, c’est possible.  L’époustouflant Shoah de Claude Lanzmann en est l’exemple le plus marquant. Dix heures de témoignages et de plans de lieux du génocide, vidés.

Pour appréhender la déshumanisation de ces déportés devenus cobayes, est-il nécessaire de montrer des photos d’archives aussi sordides ? Les témoignages des victimes et les analyses des experts ne sont-ils pas suffisants ? Les historiens interrogés pour le film insistent : ces expériences n’ont nullement fait avancer la science. Alors, à quoi bon les recenser?  En énumérant les atrocités commises par le docteur Mengele ou  de l’infirmière Herta Oberheuser, Jean-Pierre Devilliers saute à pieds joints dans un voyeurisme morbide.

Hippocrate aux enfers– Jean-Pierre Devilliers- France-2017- 80 minutes

Constance VILANOVA 

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