[FIFH 2025] La voix de Hind Rajab, quand l’horreur dépasse la fiction 

Ce docu-fiction retrace avec effroi les dernières heures de Hind Rajab Hamada, une fillette de 6 ans, tuée le 24 janvier 2024 dans le nord de la bande de Gaza par des soldats israéliens alors que le Croissant-Rouge tentait de la secourir. Avec ce film-événement, la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania a remporté le prix du Lion d’Argent au festival de la Mostra de Venise. 

Le film s’ouvre sur un message qui glace le sang : « d’après les appels enregistrés par le Croissant-Rouge ». C’est une petite voix tremblante, et bien réelle, qui sera le fil rouge du film, celle de Hind Rajab. La fillette a passé ses dernières heures de vie au téléphone avec l’équipe de l’ONG. Après l’évacuation du nord de la bande de Gaza, sa famille qui tentait de fuir les bombardements a essuyé des tirs de l’armée israélienne. Tous sont morts sur le coup à bord de leur voiture, sauf Hind Rajab, qui reste coincée pendant des heures entre les corps sans vie des membres de sa famille. Aucune distance entre le spectateur et la petite fille qui n’est pas interprété par une actrice. On entend seulement sa voix à travers le téléphone ou sur un écran noir. 

Impuissance collective

Au bout du fil, on suit la détresse du personnel du Croissant-Rouge. L’équipe de cinq agents est interprétée par des comédiens. Le film est entièrement tourné en huis clos, et ne quitte pas les bureaux du centre d’appel du Croissant-Rouge de Ramallah. Comme celle d’Omar, l’un des opérateurs qui a reçu l’appel désespéré, la frustration des spectateurs ne tarde pas à devenir insupportable : une ambulance se trouve à seulement huit minutes de l’enfant. Au travers de ce film, et d’une tension intenable,  la réalisatrice met en lumière la difficile organisation des secours palestiniens dans la main de fer d’Israël. Tous les déplacements des équipes doivent être coordonnées et validées par l’armée israélienne. Mahdi organise les opérations pendant plusieurs heures, tente d’obtenir un feu vert pour envoyer un véhicule, sans mettre en danger la vie des ambulanciers. 

Alors qu’il découvre l’identité de la petite fille au bout du fil, des images d’elle défilent sur l’écran d’un membre de l’équipe, les yeux rougis par les larmes. Une fille souriante en robe rose aux longs cheveux bruns. Ce sont les mêmes images qui ont secoué le monde lorsque ses appels audio ont été publiés sur internet en 2024, sa mort ayant indigné le monde. 

Le bruit des vagues 

La réalité transperce l’écran, lorsque Kaouther Ben Hania, la réalisatrice, transmet le témoignage de la mère de Hind Rajab, filmé de Gaza. Cette dernière partage la volonté de sa fille : « que la guerre s’arrête pour retourner jouer à la plage ». A la fin du film, les photos des vrais équipiers du Croissant-Rouge et des ambulanciers qui avaient finalement pu se porter au secours de la petite fille s’affichent. Malgré l’autorisation longtemps réclamée et finalement obtenue de porter secours à la petite fille, ces derniers furent fauchés d’un tir israélien lorsqu’ils s’approchaient d’elle. 

La réalisatrice réintroduit l’humanité des victimes de qu’il est difficile de ne pas qualifier de génocide, face à la violence anonyme dont nos écrans témoignent au jour le jour au risque de l’habituation. Loin du voyeurisme, elle fait le choix de montrer les images des corps de la famille Hamada recouverts de draps et de l’intérieur de la voiture criblée de balles dans laquelle Hind Rajab a passé ses derniers instants. 

Le générique se déroule sans musique, seulement accompagné du bruit des vagues qu’Hind Rajab aimait tant. Le silence qui s’ensuit témoigne de l’effroi suscité par cette réalité révoltante. Toutefois, lorsqu’un peuple est décimé sous les bombes, le moins que nous leur devons, c’est d’entendre leur voix. 

Sofia Goudjil 

La Voix de Hind Rajab, Kaouther Ben Hania, docufiction franco-tunisienne, 1h30