Mariée à 17 ans à un homme qu’elle ne connaît pas, Maja s’installe sur une île isolée au climat capricieux, où la vie est défi permanent. Mais, portée par l’amour, l’héroine de Maja, une épopée finlandaise s’y construit un espace de liberté et d’affirmation de soi.
« Come ! ». Viens, c’est parfois une contrainte, parfois un encouragement. L’histoire de Maja, c’est tout cela à la fois. Arrachée à un foyer aimant, mais étouffant, elle part s’installer sur l’île de Stormskerry avec Janne, pêcheur sans le sou, auquel elle est contrainte de s’unir. À une centaine de kilomètres au large des côtes finlandaises, la jeune femme se découvre un espace de liberté, sur une île vierge de toute présence humaine. Malgré les tempêtes, la guerre et la perte qui frappent l’île, la jeune femme s’affirme, puisant sa force dans l’amour.
Une île entre liberté et violence
« Come ! ». Complètement nue, bravant la pudeur qui la sépare de son tout juste époux, Maja prend la main de Janne, pour se jeter en criant dans la baie. Quand son corps fend l’eau, le sourire de Maja déchire l’écran. « Où je t’emmène, on pourra mettre des chemises à la place des pantalons, on sera libre » lui avait-il promis. Un océan comme frontière de leur havre de paix dans les premiers moments du film, un océan aussi nourricier, sur lequel Janne part tous les jours pêcher. Bleu, cristallin, lumineux, aux couleurs de l’amour qui nait progressivement entre Janne et Maja, permis par la liberté à être qu’ils s’accordent. Si l’on pourrait reprocher une facilité de l’arc narratif, il n’en est rien, tant la délicatesse du jeu d’acteurs et l’alchimie entre Amanda Jansson et Linus Troedsson, qui incarnent Maja et Janne, est évidente.
Pourtant, l’atmosphère ne tarde pas à se durcir et l’azur se fait glacial, lourd, oppressant. La tempête arrive. Elle n’est jamais très loin. Le vent qui souffle dans les oreilles du spectateur en permanence et les clapotis de l’eau intranquille s’en font l’annonce. Malgré l’hostilité, Janne et Maja construisent un foyer, une famille, sur les fondations de l’amour qui les unit. Dans toute son ambivalence, la cohabitation de la joie et du désespoir est accompagnée avec finesse par un climat capricieux.
Un récit d’émancipation féminine
La guerre s’invite aussi bientôt sur l’île, et un régiment anglais, venus défendre la Suède contre l’attaque russe, prend ses quartiers dans le foyer. Janne est contraint de s’enfuir, ne souhaitant pas s’engager dans le conflit, laissant Maja et leurs quatre enfants seuls. D’abord craintive, baissant le regard et courbant les épaules sous les moqueries des soldats, Maja s’affirme, poussée par la volonté de sauver ses enfants d’une mort annoncée, les nombreuses bouche à nourrir réduisant à peau de chagrin les vivres.
L’épopée de Maja, c’est aussi l’émancipation d’une femme, portée par l’amour. Progressivement, elle troque sa robe traditionnelle pour un pantalon. Sa tête, son corps se relèvent, pour occuper une place de plus en plus grande sur l’écran. Poussée par les encouragements de Janne, elle apprend seule à lire et à écrire, à la lumière d’une bougie. Entre ses mains, elle caresse la plume que le lieutenant anglais utilise pour écrire, avec envie et fascination.
L’émancipation de Maja se nourrit d’un ancrage profond, à sa famille, à son île, comme le souligne un presque huit clos dans le foyer et la baie sur lequel il donne pendant l’ensemble des deux heures quarante de récit. « Je ne quitterais pas cette île par ce qu’il a tous ceux que j’aime, c’est mon foyer » oppose Maja à tout seul qui tente de la convaincre de partir. Parce que le nom complet de Maja, c’est « Maja Maria Stromskerry », un nom avec lequel elle parvient à signer l’octroi d’un prêt pour construire une goélette, la matérialisation en bois de l’espoir du couple d’une vie moins dure.
Manon Kraemer
Maja, une épopée Finlandaise, 2h43.