Inspiré de faits réels, Moi, capitaine suit le parcours d’un jeune migrant sénégalais qui rêve d’une vie meilleure en Europe. Une épopée bouleversante à voir de toute urgence.
© Greta De Lazzaris / Pathé
Mi-septembre, les caméras des journalistes du monde entier se sont braquées, une nouvelle fois, sur l’île de Lampedusa. Plus de sept mille migrant·es y étaient arrivé·es en deux jours. Du jamais vu. Une semaine plus tôt, le film Moi, capitaine était primé à la Mostra de Venise. Le réalisateur Matteo Garonne tourne sa caméra vers l’autre côté de la Méditerranée en racontant le voyage de deux sénégalais de 16 ans, Seydoux et Moussa, de leur pays natal à l’Italie.
Marche infernale du Sahara, captures et tortures en Libye, traversée de la mer Méditerranée sur un bateau de fortune… C’est une chose de savoir que cette réalité existe, c’en est une autre de la voir à travers les yeux de Seydoux, le personnage principal. Cette odyssée, fiction inspirée de faits réels, est narrée de son point de vue, créant une forte empathie chez le spectateur.
Le rêve pour supporter le réel
Le scénario n’élude pas les pires atrocités, tout en essayant de ne pas traumatiser les spectateurs. Aucune image ne montre de sévices sur Seydoux. Seules les blessures sanguinolentes sur son visage font comprendre au public qu’il a, lui aussi, subi un calvaire dans une prison lybienne. Des échappées oniriques permettent à Seydoux de supporter le réel et aux spectateurs de ne pas quitter la salle à cause de ces passages de supplice et de mort. La candeur, l’enthousiasme et l’héroïsme de Seydoux et Moussa apportent aussi de la légèreté à la gravité du film.
Les premiers films de Matteo Garrone portaient déjà sur l’immigration (Terra di mezzo et Ospiti). Sa renommée est devenue internationale avec l’adaptation cinématographique du roman-enquête Gomorra sur la mafia napolitaine. Bourgeois et italien, Matteo Garrone s’est documenté pendant deux ans pour écrire le scénario de Moi, capitaine. Il s’est inspiré du témoignage de plusieurs migrant·es pour imaginer le scénario et réussit la prouesse de raconter en deux heures une odyssée qui dure plusieurs années.
Le film représentera l’Italie aux Oscars
Moi, capitaine reprend un thème récurrent dans le cinéma italien : celui du parcours initiatique et de l’exil. A l’instar des deux toscans émigrés aux Etats-Unis dans Good Morning Babilonia, de Paolo et Vittorio Taviani. Matteo Garrone, lui aussi, fut animé par le projet de franchir l’Atlantique pour y faire carrière. Son rêve américain est en partie exaucé puisque Moi, capitaine a été choisi pour représenter l’Italie aux Oscars 2024.
Dans un pays qui a élu l’année dernière Giorgia Meloni – dirigeante d’extrême-droite et anti-immigration –, le long-métrage a rencontré un fort succès à sa sortie en salle. La semaine dernière, il a été présenté au Parlement Européen.
Lucile Coppalle