La Nouvelle Femme fait partie de la compétition fiction du Festival du film d’histoire de Pessac 2023. Léa Todorov y dresse un portrait touchant et inédit de Maria Montessori. Une pédagogue partagée entre ses ambitions et l’amour porté à son fils.
L’abandon d’un fils. Il pleure à terre en arrière-plan. Elle lui tourne le dos et s’éloigne tristement sur sa calèche. Le film La Nouvelle Femme consacré à Maria Montessori s’ouvre ainsi. Un choix étonnant de la part de la réalisatrice Léa Todorov pour dresser le portrait de cette pionnière du début du XXème siècle. La médecin a consacré sa vie à développer une méthode éducative fondée sur le respect de l’enfant et du rythme de son apprentissage. Et pourtant, c’est bien elle la femme sur la calèche abandonnant son fils.
Ce paradoxe est le fil rouge de cette fiction qui nous emporte à Rome, au cœur du quartier San Lorenzo. Là où dans une clinique pour enfants « déficients », la méthode Montessori est née. Durant plus d’une heure, nous voyons Maria se plier en quatre pour ces jeunes considérés comme des « idiots ». Bains, éveil musical, jardinage, ateliers de lecture et d’écriture personnalisés, les enfants sont respectés et accompagnés individuellement.
Un amour maternel
La caméra pose son regard doux et bienveillant sur chacun d’eux, filmant leurs exploits et progrès personnels. C’est ainsi qu’on les voit l’un après l’autre s’exprimer librement par la danse, au rythme des notes de piano. Léa Todorov livre une ode à ces enfants non considérés à l’époque et encore, d’une certaine façon, aujourd’hui. Dirigée par des femmes, la clinique est une bulle d’amour maternel, portée par la performance d’une justesse rare de Jasmine Trinca. Un rempart face à la violence rencontrée par ces enfants à l’extérieur.
A ce récit s’entrecroise celui de Tina et de sa mère, Lili D’Alengy. Cette dernière, courtisane française, tente de se débarrasser de sa fille Tina qu’elle considère comme « idiote ». Le rejet viscéral de sa progéniture est ce qui nous conduit dès le début du film à la clinique de Maria. Un prétexte ingénieux imaginé par la réalisatrice pour nous raconter de façon subtile la vie de Maria Montessori sans que les projecteurs soient uniquement braqués sur elle.
Face un dilemme
Le dévouement salutaire de la pédagogue mis en scène tout au long du film pose question. Habitée d’un amour inconditionnel pour les enfants qu’elle accompagne, elle se bat aussi pour élever son fils. Né hors mariage, Maria est contrainte de confier son garçon à une nourrice, à la campagne, loin des regards. Léa Todorov traite ces deux aspects de la vie de Maria Montessori comme deux combats parallèles qui n’ont jamais pu se rejoindre. Un sentiment déchirant naît, alors, chez le spectateur.
La pédagogue est face à un dilemme. Doit-elle poursuivre ses ambitions personnelles ou y renoncer pour s’occuper de son enfant ? En mettant en scène ces questionnements, la réalisatrice illustre la condition des femmes au début du XXème siècle. Mères avant tout, leurs aspirations étaient reléguées au second-plan. Maria Montessori fait alors office de contre-exemple. Une réalité que n’a pas manqué de capter Léa Todorov. Devant sa caméra, une nouvelle femme se dévoile : Maria Montessori, la féministe.
Isabelle Veloso Vieira @Isabellevlv