Dans son dernier long-métrage, Karim Aïnouz dresse le portrait de la dernière épouse de Barbe bleue, inébranlable rempart contre le sadisme de son mari.
Costumes d’époque, tapisseries royales, banquets et jeux de cour. Vu de loin, on pourrait croire que le “Jeu de la reine” n’est qu’une énième fable sur la royauté. En réalité, le dernier long métrage du réalisateur Karim Aïnouz (« Madame Sata », « La Vie invisible d’Eurídice Gusmão ») est bien plus que ça. Au cœur de l’intrigue de ce thriller haletant, on trouve Catherine Parr (Alicia Vikander), reine consort tourmentée par sa foi protestante, sixième épouse du roi Henry VIII (Jude Law) qui régna sur l’Angleterre entre 1509 et 1547. Un roi absent des premières minutes du film mais dont la simple évocation suffit à faire frémir le spectateur.
Durant deux heures, Karim Aïnouz malmène la splendeur de l’impériale Catherine Parr au gré des pulsions sadiques de son mari et des suspicions des puissants membres catholiques de sa cour. Il dresse le portrait d’une femme affirmée. Une belle-mère aimante pour les enfants orphelins d’un monarque qui a fait assassiner ses ex-épouses mais surtout une figure politique résolument déterminée à survivre et à marquer son époque.
Cruelle couronne
Clés de voûte de la réussite de ce long-métrage, Alicia Vikander et Jude Law livrent une performance remarquable, chacun jouant sa partition avec justesse et virtuosité. Sans faire de l’ombre à la galerie de personnages secondaires qui se déploie autour d’eux, leur duo donne une intensité rare à la relation asphyxiante de Catherine Parr et Henry VIII.
D’un réalisme parfois difficilement supportable sans jamais tomber dans le pathétique, le film dépeint sans détour la cruauté de ce roi monstrueux, dont chaque apparition constitue un motif d’inquiétude pour les personnages. Dans chaque scène, chaque plan du film, se déploient les jeux de pouvoir, les faux-semblants et les conspirations. Le suspens est maîtrisé. L’intrigue s’épaissit au fil des minutes sans devenir rocambolesque. Le spectateur devient complice malgré lui des agissements de la reine Catherine et ne peut dès lors cesser de s’inquiéter de leurs conséquences.
Renaissance
La réalisation de Karim Aïnouz sert cette intrigue avec justesse. Le cinéaste brésilien favorise un rythme haletant sans jamais oublier de laisser vivre ses personnages à l’écran. Il parvient à nous plonger dans l’intimité de ses protagonistes avec brutalité et précision.
La reine consort s’impose à l’écran avec intensité et avec elle les enjeux de son temps. Plus encore, c’est le portrait d’une femme résolument moderne que dresse “Le jeu de la reine”. Sa relecture de l’histoire de Catherine Parr transcende l’époque dans laquelle elle se situe. Devant nos yeux, la reine joue à un jeu dangereux, celui de la liberté de l’esprit, dont elle ne pourra réchapper indemne.
Alexis Gonzalez @algonzlz