[FIFH 2022] Riposte féministe : la rue est à elles

Pour la première fois, les actions du collage sont documentées à travers les portraits de militantes féministes aux quatre coins de la France. « Riposte féministe », une ode à cette lutte qui s’impose dans la rue, sous nos yeux et désormais sur nos écrans. 

Les colleuses placardent des messages sur les murs de l’espace public pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles, de genre, le patriarcat et les féminicides, aux yeux de toutes et tous.

Des skateurs virevoltent bruyamment sur les pavés. Un plan malin à la symbolique retentissante, puisqu’il précède celui d’un rassemblement de féministes dont les voix recouvrent le crissement des roulettes. Sous l’hymne et le discours militants, des femmes, jeunes, en situation de handicap, des personnes transgenre, des lesbiennes, des étudiantes précaires, bref, des révoltées, scandent leur réappropriation du pouvoir et de l’espace public. Puis, des grenades fumigènes viennent noircir les drapeaux arc-en-ciel. Le bruit sourd de la menace masculiniste sonne le début du précieux documentaire qui dépeint la riposte féministe d’après Me Too.

À Lyon, sous un toit aux poutres apparentes, quatre femmes peignent des lettres noires sur des carrés blancs de papier. L’une d’entre elles raconte les agressions sexuelles qu’elle a subies plus jeune, le regard noyé dans les mots qu’elle dessine. “Je te crois. Quand j’ai vu cette phrase un jour sur un mur, ça m’a bouleversée. C’est ce qu’on oublie de dire aux victimes”. Car bien que les mots soient puissants et revendicateurs, ils sont aussi réconfortants. Et c’est là tout leur combat : dénoncer, éduquer, s’imposer, mais aussi, soutenir. Dans leur documentaire, Marie Perennès et Simon Depardon suivent une dizaine de collectifs de collages féministes à travers l’Hexagone : Lyon, Marseille, Montpellier, Montbrison, Brest, Paris, Compiègne, Amiens, Gignac. L’alternance rythmée des plans nous amenant de rues en rues et de villes en villes urge du combat et la détermination de ses soldat·es. Le sexisme est partout, elles aussi.

Une lucarne sur le vécu des femmes 

La réalisatrice et le réalisateur nous font découvrir la France comme on l’a rarement vue : un pays de révolutionnaires au pinceau qui sévissent la nuit en silence et débattent le jour haut et fort. Car si la caméra les suit le plus souvent en plan américain lorsqu’elles collent dans le noir, elle zoome sur leur visage au moment d’une citronnade en terrasse ou assis·es à converser dans le canapé du salon. Et c’est tout un panel de discussions que Marie Perennès et Simon Depardon captent brillamment. Dès les moments d’échanges, le collage devient presque un prétexte pour faire le point sur les grandes problématiques sociétales que rencontrent les femmes et les minorités : le diktat de la beauté, le lesbianisme politique, la misandrie, la violence féministe, la non-mixité… Les dialogues sont poignants, souvent ; amusants, parfois, et la subtilité de certaines scènes d’illustration permet de faire une pause de légèreté dans la gravité du sujet (un gros plan sur la chatte d’une militante allaitant ses petits tandis qu’elle parle d’injonction à l’épilation). 

Et puis, ce symbole de la rue, partout présent. Il y a le collage mais aussi les manifestations, joyeuses ou virulentes. Le film en retrace certaines qui ont marqué ces deux dernières années. Celles rendant hommage aux femmes tuées parce qu’elles étaient des femmes ; d’autres en marche vers le ministère de l’Intérieur, au moment de la nomination de Gérald Darmanin, alors accusé de viol. Au son des hymnes et slogans féministes scandés, le poil se hérisse et monte l’irrésistible envie de les rejoindre. On y voit a des scènes de confrontation : des catholiques “pro vie” lancent leur chapelet au visage des féministes, à quoi elles répondent en choeur et les majeurs levés : “Mon corps, mon choix, ta gueule”. Il y a également des moments de tendresse, d’amour et de vie ou encore des images d’alliance ou de rivalité avec la police, gravées sur une bande son connotée (Vendetta, de Brigitte Fontaine). Et puis, surtout, les cris de la lutte et du ralliement : “Nous sommes femmes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère”. 

En colère, certaines le sont depuis la sortie de Riposte féministe en salles, et appellent à boycotter le film. Les colleuses n’ont “pas peur des flics mais des fachos”, des hommes qui pourraient mettre leurs menaces à exécution.” Alors quand des militantes apprennent qu’elles ont été filmées à visage découvert lors d’une manifestation, sans avoir été prévenues ni flouttées, c’est la peur du risque et le risque backlash (ndlr : contrecoup). Et déclarent ainsi que la protection de toutes ne doit pas être oubliée au nom de l’importance de documenter les luttes

*Nous avons fait le choix de genrer au féminin mais certain·es de ces militant·es sont en transition de genre et/ou s’identifient comme non-binaires. 

Colombe Serrand 

Riposte féministe, documentaire réalisé par Marie Perrenès et Simon Depardon (1h28).