[FIFH 2022] Père et fils à l’épreuve des tranchées

Nouveau long métrage de Mathieu Vadepied,  « Tirailleurs » évoque la puissance du lien filial entre deux tirailleurs sénégalais sur le front de la Grande Guerre.

Enrôlé de force par l’armée française, Bakary (Omar Sy) va tenter de sauver son fils, Thierno (Alassane Diong), des tranchées de 14-18. Mais embrigadé par ses supérieurs, ce dernier échappe à l’autorité de son père, protecteur réduit à l’impuissance. Porté par un des comédiens préférés des Français, rarement aussi grave et s’exprimant dans la langue Peul, « Tirailleurs n’est pourtant pas le long métrage que l’on attendait. Il échappe à la conformité du film de guerre, sans pour autant raconter l’histoire des tirailleurs sénégalais. 

La mémoire des tirailleurs mérite mieux

Au fur et à mesure, le film perd sa puissance historique. Les dix premières minutes du récit avaient pourtant de quoi nourrir le spectateur en quête de cette histoire singulière. Filmé au nord du Sénégal, le violent enrôlement des tirailleurs nous plonge au cœur des colonies françaises, dans un récit peu connu de la Grande Guerre. Mais trop vite, le film perd son sujet. L’histoire des tirailleurs sénégalais est noyée dans cette filiation habillée par les poncifs de la Première Guerre : boue, rat dans les tranchées et photo des épouses et fiancées dans la poche de l’uniforme. 

La relation de frère d’armes entre Bakary et le lieutenant Chambreau, jeune supérieur qui souhaite lui aussi s’émanciper, aseptise également la tragique destinée de ces hommes et la stigmatisation qu’ils ont subie. « Il n’y a pas de hiérarchie. Ici, on est tous camarades », annonce le supérieur pour galvaniser ses soldats face aux horreurs des tranchées.

Au dernier plan, un message généraliste sur le devoir de mémoire de tous les soldats tombés fait fi des spécificités des tirailleurs morts. Un parti pris assumé par le réalisateur en conférence de presse : « C’est une histoire que j’aurais pu raconter avec des personnes qui étaient en France ou qui venaient d’autres colonies françaises. Il y a une dimension d’universalité dans cette relation entre un père et son fils. » 

Seize ans après « Indigènes » de Rachid Bouchareb, qui abordait le sort des tirailleurs algériens pendant la Seconde Guerre mondiale, « Tirailleurs » a au moins le mérite de mettre un coup de projecteur sur le sujet. Dommage que le titre résonne comme une promesse non tenue et nous laisse frustrés.

Présent au 32e Festival International du Film d’Histoire de Pessac, l’historien Anthony Guyon explique l’enrôlement des tirailleurs sénégalais pendant la Première Guerre mondiale au micro d’Arnaud Connen de Kerillis.

Roman Bouquet Littre

« Tirailleurs », 

De Mathieu Vadepied, 

France, 1h40.