[FIFH 2022] Metropolis, aime le maudit

Europa Maudits : Metropolis, en compétition au Festival international du film d’histoire de Pessac, dissèque avec brio le mystère entourant le film de Fritz Lang. D’abord en dénonçant la tyrannie du réalisateur dans la direction de ses acteurs. Puis en racontant les multiples dénaturations du long-métrage au gré des décennies. 

Europa Maudits : Metropolis, est une sublime mise en abyme cinématographique. L’histoire passionnante du long-métrage Metropolis, de son tournage despotique en passant par sa déformation et son instrumentalisation. En choisissant de s’attaquer à cette œuvre, la réalisatrice du documentaire, Clara Collao, pose un regard critique sur plusieurs aspects de l’industrie cinématographique.  

A commencer par le calvaire d’un tournage tyrannique. En 1925, Fritz Lang est une vedette. Fort de son succès, il se lance dans la création du projet le plus ambitieux de sa carrière. Un film futuriste aux moyens colossaux : Metropolis. Le tournage commence, et déjà la malédiction rôde autour de l’équipe. Le cinéaste allemand, envoûté par son rêve de grandeur, se transforme en dictateur. 

Europa Maudits s’attarde longuement sur le traitement qu’il inflige aux autres en plongeant le spectateur dans de sombres archives. On navigue entre les images d’un Fritz Lang figé dans un rictus sadique, et des plans du film où les acteurs apparaissent tourmentés. L’actrice Brigitte Helm se débat par exemple au milieu d’un bûcher, pendant que le narrateur explique que l’incendie était véritable. Le cinéaste allemand tenait à ce que les flammes soient au plus près d’elle. La justification ? Un souci de réalisme. 

Montage à gogo

Le film sort finalement en 1927. Et c’est un flop. Alors les distributeurs commencent à le dénaturer. Aux Etats-Unis, par exemple, on le raccourcit pour le rendre plus digeste ; les Nazis, arrivés au pouvoir, le retapent afin d’en faire un argument de propagande, etc. 

Europa Maudits s’éloigne de la destinée de Fritz Lang et suit les étranges mutations de Metropolis. On comprend cette fois-ci à quel point le montage est important dans la cohérence d’une œuvre. Une démonstration de l’interventionnisme des producteurs dans le découpage des longs-métrages. Longtemps perdue, la version initiale de Fritz Lang sera finalement retrouvée en Argentine en 2009. Clara Coello raconte cette trajectoire tortueuse avec justesse. Amoché à de multiples reprises, Metropolis a fini par rattraper le sentier menant à la postérité. 

Alexis Pfeiffer

Europa Maudits : Metropolis.

Clara Collao.

France. 52 minutes.