« 1871. Portraits d’une révolution » donne à vivre le combat de la Commune de Paris, aux côtés de celles et ceux qui le menèrent avant de sombrer dans l’oubli.
Cent cinquante ans après les évènements de la Commune, le réalisateur Cedric Condon, donne à voir les visages de ceux qui, fusillés puis jetés dans des fausses communes, ont perdu leur identité. Au travers du travail photographique de Bruno Braquehais puis d’Eugène Appert, on rencontre quelques-uns des dix ou vingt milles insurgés qui ont péri dans Paris, aux mains d’Adolphe Thiers. Les grandes figures que l’Histoire a associées aux évènements (Louise Michel, Gustave Courbet…) s’effacent, et laissent place aux anonymes. Ce sont ces anonymes qui intéressent l’auteur.
Binaire par son contexte — Communards contre Versaillais, prolétaires contre bourgeois —, le film l’est aussi par l’opposition qu’il met en scène entre les deux photographes. Le premier s’est porté bénévolement à la rencontre des révolutionnaires, les faisant poser 40 secondes pour chaque cliché, fusil en main, regard fier, posture haute. Le second découpe leurs visages et réalise les premiers photomontages de l’Histoire. Ceux qui posaient fièrement deviennent dépravés, violents, alcooliques, triviaux, au profit d’une propagande d’Etat. Le premier verra ses clichés interdits. L’autre les vendra.
Enveloppé par la voix ronde de Fany Mary, le spectateur se met à espérer vainement la victoire des communards. Il se balade dans les rues de la capitale. Il est avec eux, fait tomber la colonne place Vendôme, se bat dans Paris. Et perd Paris. Il entend crier les Communards même lorsqu’il n’y a pas de bruit, que seules les musiques bercent la voix off. Il n’entend jamais les cris de guerre que l’on devine sur les lèvres. Jamais la colère qui se lit dans les regards. Il avance jour après jour au rythme des dates énoncées.
« 1871. Portraits d’une révolution » est un hommage aux anonymes de cet évènement souvent repoussé dans les marges de notre Histoire. Alors que Paris a brûlé. Alors que Paris fut un charnier pendant la semaine sanglante. Alors que Paris bénéficia ensuite d’un tourisme de ruines, comme on va voir Pompeï. De tout ça, il ne reste rien. Quelques plaques au cimetière ou au détour d’une rue. Quelques photographies. Mais rien des milliers de Parisiens fusillés. La caméra se promène dans le Paris d’aujourd’hui et ne saisit aucune trace de la Commune. Il s’arrête sur la butte Montmartre. Coucher de soleil et oiseaux dans le ciel. On y a érigé le Sacré Coeur, pour oublier tous ces visages que Cédric Condon aura remis en pleine lumière.
Julie Malfoy
1871. Portraits d’une révolution. Par Cédric Condon. Durée : 52 minutes. Sorti en 2021