[FIFH 2021] Géraldine Berger : « La récompense, c’est le public »

En 2019, le film de la documentariste Géraldine Berger, Les Orphelins de Sankara, avait remporté le prix du jury, le prix du public et le prix lycéen au Festival international du film d’histoire de Pessac. Cette année, elle a été invitée pour présider le prix du jury lycéen dans la compétition documentaire. L’occasion de revenir sur son travail et la reconnaissance apportée par le FIFH ces dernières années.

Après trois prix reçus en 2019, vous revenez à Pessac en tant que présidente du jury du prix des lycéens. Avez-vous hésité avant d’endosser ce rôle ?

Géraldine Berger : Recevoir le prix des lycéens m’a beaucoup touchée. J’écris des films pour raconter un récit et qu’il aille loin. Les Orphelins de Sankara [sur le destin de 600 orphelins burkinabés envoyés à Cuba en 1986 par le gouvernement du président Thomas Sankara] s’adressait autant aux Burkinabés, qu’à ceux qui ne connaissaient pas Thomas Sankara. Je ne pensais pas forcément qu’il puisse toucher des jeunes ! J’avais le choix avec le jury professionnel mais je souhaitais transmettre l’histoire aux lycéens. Leur regard sur les films va m’enrichir. Ils vont me donner leur ressenti. Cela m’intrigue de voir ce qui intéresse cette génération dans le cinéma et les documents historiques. Mon premier échange avec eux a été de demander : « qu’attendez-vous de cette expérience ? » J’ai envie que ce soit leur prix. Je vais juste les aider à définir leurs critères. Je trouve important de garder la liberté de juger un film.

Vous êtes attachée à l’idée de transmission. Comment le documentaire remplit-il ce rôle ?

Géraldine Berger : J’ai en effet cette volonté de transmettre. Je travaille dans une école d’audiovisuel. J’explique comment faire des films à des producteurs et réalisateurs. Je partage ma passion du cinéma. La force du documentaire de création est la liberté qu’il offre. De forme comme de sujet. Il peut emprunter à l’animation, à des registres différents, des durées variées. La présidente du jury professionnel, Ruth Zylberman, par exemple, dans son film 209 rue Saint-Maure, est partie d’un immeuble parisien choisi un peu au hasard. Elle reconstitue l’histoire des habitants pendant la seconde Guerre Mondiale. Elle enquête sur les déportations. Ce n’est pas formaté. Elle restitue un monde. Émotionnellement remarquable, aucun film ne ressemble à cela.

Quels retours continuez-vous de recevoir sur votre film depuis qu’il a été primé ?

Géraldine Berger : À Pessac, je rencontre encore des historiens qui m’en parlent. Je reçois aussi beaucoup de retours par Facebook. Je fais des projections à l’étranger ou dans les ambassades. Pendant le confinement en 2020, le film est passé à l’institut français de Bobo-Dioulasso au Burkina-Faso. Je suis intervenue par visio. J’étais confinée chez moi et tout d’un coup je me suis retrouvée au milieu d’une salle de cinéma. C’était beaucoup d’émotions. La récompense, c’est le public. J’aimerais que le film continue d’être vu. Malheureusement, il n’a pas été acheté par une chaîne de télévision. Le format et la durée sans doute. J’ai été déçue. J’espère qu’il sera diffusé un jour.

Les Orphelins de Sankara a été un travail de dix ans. Le temps long est-il propre au documentaire, voire nécessaire ?

Géraldine Berger : J’avoue que j’aurais aimé que ce soit plus court ! En étant documentariste, il est difficile d’aller au bout d’un projet et de vivre économiquement. Il faut être convaincu de la nécessité de raconter cette histoire.

Ces prix vous ont-ils donné l’envie de continuer à raconter des histoires et réaliser des documentaires ?

Géraldine Berger : Les prix de Pessac sont une vraie reconnaissance. Des portes s’ouvrent. Le documentaire reste ardu, sauf si un film est payé car coproduit par une chaîne comme Arte. J’ai pris une autre voie avec l’école d’audiovisuel. L’écriture prend du temps et de l’énergie. Il faut trouver les bonnes personnes, enquêter, écrire des synopsis et le scénario. Lorsque je viens à Pessac, j’assiste aux projections, je rencontre d’autres réalisateurs et ça y est j’ai envie de réaliser cinq films ! Pour l’instant, j’aimerais travailler sur un groupe de scientifiques de la Montagne Saint-Geneviève. J’avais fait un film sur Marie Curie pour Arte [Marie Curie, au-delà du mythe, Michel Vuillermet, 2011]. Elle appartenait à cette association, fondatrice du Centre national de recherche scientifique (CNRS). Ils ont également été présents dans de grands moments politiques. Ce sera pour plus tard. J’en discute lors des débats, déjeuners et conférences du festival de Pessac, entre Thomas Sankara, Marie Curie, la Commune ou la Résistance. Je participe à de nombreux festivals mais celui-ci est particulier pour approfondir les questions sur le passé. Lorsque je suis arrivée, j’ai été émue. Je retrouve une ambiance, échanger avec les historiens est une chance phénoménale.

Propos recueillis par Lucile Bihannic