Adulée ou détestée, Marguerite Duras s’éteignait il y a 25 ans à l’âge de 81 ans. Qui se cache derrière cette romancière aux grosses lunettes ? A travers ce documentaire, Lise Baron éclaire de manière sensible son mystérieux univers. Elle revient sur des faits connus de sa vie mais porte aussi un regard sur les autres facettes du personnage avec des éléments moins familiers.
« De la mythique Duras jusqu’à la jeune Marguerite » : le documentaire feuillette à l’envers les passions de l’auteure. Le récit commence par la mort de l’écrivaine, avec ses obsèques à Paris à l’église Saint-Germain-des-Prés, et s’achève par le retour à ses origines et son Indochine natale. Le lieu dans lequel se situe une large partie de son œuvre, d’Un Barrage contre le Pacifique (1950) à L’Amant (1984), en passant par L’Amant de la Chine du Nord (1991).
Le film se compose d’images d’archives retraçant la vie de l’auteure, cinéaste (India Song), scénariste (Hiroshima mon amour), journaliste et militante (Manifeste des 121). Entre photos en noir et blanc, extraits de plateau télévisés et extraits audio, ces archives dépeignent un personnage complexe. Mais l’écriture de Duras est au centre du film et la relie à la dimension politique de son existence.
Quelle que soit l’époque, Duras sourit peu et élève souvent la voix. Elle donne son avis sur tout : Christine Villemin la mère du petit Grégory sur laquelle elle écrit un article contesté pour Libération, le footballeur Michel Platini ou encore François Mitterrand… D’autres extraits dépeignent le narcissisme de l’écrivaine, le parfait sérieux avec lequel elle imposait sa vision à ses interlocuteurs ou la manière autoritaire avec laquelle elle pouvait parler à l’actrice Madeleine Renaud, lors d’une répétition. Mais également ses plaisanteries sur le plateau de Patrick Poivre d’Arvor à qui elle glisse : « je vous aime bien, vous, quand vous êtes comme ça, un peu emmerdé… ».
Marguerite Duras, n’est pas qu’une intellectuelle. C’est aussi une mère, une femme amoureuse qui sombre dans l’alcoolisme et qui est hospitalisée à plusieurs reprises. Le film évoque ses différentes relations, dont celle avec sa mère qu’elle aime et hait à la fois. Elle fait de ses proches ses personnages et tous ont souffert de son écriture. Mais elle revendique ne pas pouvoir plaire à tout le monde.
Duras se veut pudique dans l’émission de Bernard Pivot face au succès de L’Amant, dont les ventes ont explosé, et pour lequel elle obtient le prix Goncourt. Pourtant, la courbe des ventes publié par le journal Le Monde, affichée dans son bureau, symbolise toute son ambiguïté.
Un piano mélancolique accompagne le film. La musique contribue à l’émotion que procure ce documentaire à la fois poétique et éclairant sur l’intriguant et fascinant personnage que fut Marguerite Duras. Elle avait 14 ans lorsqu’elle rencontra en 1928 le « chinois », celui du Barrage et de l’Amant. L’écrivaine aura eu mille vies en une. Ancrée dans son siècle, elle traversa l’époque de la France coloniale, le traumatisme de la Shoah ou la guerre d’Algérie. Elle a tout romancé et aboli livre après livre la frontière entre fiction et réalité. « J’écris pour me déplacer de moi au livre, pour m’alléger de mon importance… A mesure que j’écris, j’existe moins » avoua-t-elle un jour.
Mathilde Muschel
Marguerite Duras, l’écrite et la vie, un film de Lise Baron (60min)