De 1979 à 1990, Margaret Thatcher dirige la Grande-Bretagne d’une main de fer, face aux classes ouvrières qui se fédèrent pour défendre leurs droits. Le Festival du film d’histoire de Pessac (FIFH) revient sur cette période qui a inspiré les cinéastes britanniques. Petit tour d’horizon.
« Il suffit de regarder autour de soi et de raconter ce que l’on voit, alors on est forcément anti-Thatcher », déclarait le cinéaste britannique Ken Loach en 1991. A cette époque, Margaret Thatcher vient de quitter le pouvoir. Mise à mal par sa politique libérale, la classe ouvrière s’est opposée violemment au Thatcherisme entre 1979 et 1990. Les cinéastes britanniques comme Mike Leigh et Mark Herman s’inspirent de ce contexte et mettent la lutte ouvrière au centre de leur travail. Avec son style naturaliste, Ken Loach reste sans doute celui qui s’est le plus attaché à décrire l’environnement social de l’époque.
Le double lauréat de la palme d’or est un cinéaste engagé. Il utilise ses films pour défendre ses convictions, une forme de « cinéma tract ». « The Navigators », sorti en 2001, dénonce par exemple les conséquences de la privatisation de l’ancienne compagnie British Rail. Il met en scène cinq cheminots qui tentent désespérément de retrouver un emploi après avoir été licenciés. Le réalisateur a une volonté permanente de se rapprocher du réel, un style qualifié de réalisme social. « Ken Loach est militant avant d’être cinéaste » explique Jean-François Baillon professeur de civilisation britannique et spécialiste de cinéma.
Les mineurs : vedettes du cinéma britannique
Point culminant de cette lutte ouvrière, la grève des mineurs britanniques, en 1984. Une mobilisation d’une année entière, marquée par l’extrême violence du rapport entre les ouvriers et les forces de l’ordre. Les Virtuoses incarnent l’un des films les plus forts sur le sujet. Réalisé par Mark Herman, le film relate le combat des mineurs qui se mobilisent contre la fermeture des mines du Yorkshire. Moins militant mais toujours inspiré du contexte, Stephen Daldry utilise la manifestation comme toile de fond de son film Billy Elliot sorti en 1999. Jérémy Tranmer, spécialiste de la civilisation britannique revient sur l’impact de cette grève dans le cinéma britannique de l’époque mais aussi actuel.
Looking for Eric, Cantona icône de la culture ouvrière
Souvent considéré comme un réalisateur de films dramatiques, Ken Loach a aussi représenté la classe ouvrière dans des comédies. Comme dans La part des anges ou Looking for Eric dans lequel il n’hésite pas à faire appel à Eric Cantona. Banni de nombreux clubs français, le joueur de football Eric Cantona est devenu un symbole de la classe populaire en Grande-Bretagne.
De Leeds à Manchester United, sa virtuosité dans le jeu et son tempérament révolutionnent le football anglais réduit par Tatcher à un sport de hooligans. Les stades britanniques ont alors besoin d’une figure forte et Eric Cantona est l’homme de la situation. Paul Dietschy, historien spécialisé dans le domaine du sport, revient sur la place du « King Eric » dans la culture ouvrière.
Si la période Thatcher a dynamisé le cinéma britannique, les enjeux sociaux restent une source d’inspiration pour les réalisateurs anglais, comme l’illustre le film « Moi, Daniel Blake » primé à Cannes, en 2016.
Bastien Coquelle, Benoit Donnadieu,Laure Giuly et Audrey Parmentier