Médecin addictologue et nutritionniste, Juliette Hazart a mené une enquête qui montre que 15% des collégiens et 11% des filles ont un rapport addictif aux réseaux sociaux. Un chiffre alarmant et en progression.
Quels sont les dangers de l’addiction des réseaux ?
JULIETTE HAZART. Elle a des conséquences sur la santé physique, mentale et sur notre relation aux autres. Elle cause des douleurs dans les articulations, une prise de poids due à la sédentarité et peut susciter des addictions à certaines substances, comme la consommation d’alcool, banalisée sur les réseaux. Sur le volet de la santé mentale, les réseaux sociaux augmentent le risque de souffrir d’anxiété, de dépression et d’un trouble de l’image corporel. Des troubles psychiques alimentés par l’isolement social provoqués par les réseaux sociaux. Cette solitude peut avoir des conséquences sur la scolarité des jeunes, comme les phobies scolaires et les troubles de l’attention.
Quels sont les mécanismes qui poussent à l’addiction ?
C’est une perte de contrôle dans la consommation de quelque chose. On voudrait arrêter, mais on n’y arrive pas. Au sein de notre cerveau, on a un système de récompense, qui libère l’hormone du bonheur, la dopamine, lorsque l’on réalise certaines tâches. Au départ, ce système de récompense avait pour vocation de garantir la survie de l’individu (en éprouvant du plaisir en mangeant), et de l’espèce, en éprouvant du plaisir lors d’un rapport sexuel. Les réseaux sociaux détournent le système de récompense, et recevoir un “like” va libérer une sensation de plaisir dans le corps.
Certaines personnes sont-elles plus à risque que d’autres ?
Les personnes à faible estime de soi, à la recherche d’expériences fortes ou qui ont du mal à réguler leurs émotions, ont plus tendance à développer une addiction aux réseaux sociaux. Elles auront un système de récompense plus réceptif au plaisir procuré par un “like”, au divertissement suscité par certaines vidéos ou au sentiment de proximité avec d’autres utilisateurs. L’environnement joue lui un rôle de catalyseur : avoir des parents eux-mêmes addicts ou négligents est un facteur de risque. Les jeunes interagissent par mimétisme et vont reproduire les comportements qu’ils observent chez eux. De la même manière, un manque de garde-fous dans l’usage des réseaux sociaux contribue au fait que les jeunes “tombent” dans l’addiction.
Comment s’en protéger ?
Dans mon ouvrage “ Mon ado est accro aux réseaux sociaux”, aux éditions De Boeck, je rappelle qu’il est tout d’abord important de prendre conscience de son addiction. Se poser la question avant d’aller sur ses réseaux sociaux de ce qu’on va y chercher comme un besoin d’approbation ou du divertissement et de faire un bilan après son usage. Dans un second temps, il faut réactiver les systèmes de récompense de la vie réelle, par l’accomplissement de certaines activités plaisantes ou un travail psychanalytique sur les sources d’une faible estime de soi. Dans le cas de l’addiction juvénile, il est important de responsabiliser les parents, de leur faire comprendre leur importance dans la protection de leurs enfants, et qu’ils s’interrogent sur leur propre consommation des réseaux sociaux. On est tous des ados vulnérables face aux réseaux sociaux et on gagnerait chacun à réfléchir à l’usage qu’on en fait.
Propos recueillis par Manon Kraemer