Les données des athlètes sont moulinées par des algorithmes afin d’améliorer leur performance. Fréquence cardiaque, vitesse, mouvements sont observés de près.
Performance des joueurs. Tactique. Arbitrage. L’intelligence artificielle (IA) investit le terrain du sport. Au sein des clubs ou des grandes compétitions, différentes technologies ont fait leur apparition. Sur les terrains de tennis, l’« Electronic line calling live » aide, lui, à remplacer les arbitres de ligne et tranche lui-même sur une sortie de balle. Encore expérimenté sur les tournois, l’Association of Tennis Professionnals (ATP) a annoncé généraliser son utilisation sur l’ensemble de ses tournois en 2025. De quoi mettre fin aux débats.
Pour fonctionner, les IA analysent des grandes masses de données souvent produites de façon journalières par les clubs et les fédérations sportives. L’objectif est de proposer des solutions à un problème donné ou bien des voies d’amélioration. Pour ça, leurs algorithmes, autrement dit leurs cerveaux, se nourrissent de données. Un élément essentiel pour permettre à la technologie d’évoluer et d’apprendre. Tel un enfant qui compare formes et couleurs pour apprendre à distinguer les animaux de la ferme, l’algorithme apprend par lui-même en analysant et comparant de nombreux jeux de données qui lui sont transmis. Plus il y en a et plus il peut étendre son champ de connaissance. En termes techniques, c’est du « machine learning » ou apprentissage automatique.
Une masse de données à traiter
Utilisées lors des grandes compétitions sportives, les IA d’aide à l’arbitrage ne sont que la partie visible de l’iceberg. Car des données dans le sport, il y en a partout. Fréquences cardiaques, vitesse, trajectoire du ballon ou encore analyse de vidéos, la performance des joueurs est traquée. « Grâce à ces données, on est capable de contrôler partiellement ce qui se passe durant un match en termes de tactiques de jeu et de santé physique des athlètes », détaille Pierre Druilhet, chercheur au sein du groupement de recherche « sport et activité physique » du centre national de recherche scientifique (CNRS).
L’institution pilote, d’ailleurs, le « plan prioritaire de recherche » sport de très haute performance lancé par le gouvernement en avril 2019. Les ministères de l’Enseignement supérieur et des Sports ont consacré 20 millions d’euros pour financer des programmes de recherches dans le secteur avec pour objectif les JO 2024.
A l’échelle des clubs, la vidéo est l’une des sources de données exploitée « en plein développement », affirme le chercheur. Les analystes font d’ailleurs partie intégrante des clubs de sport de haut niveau. L’intelligence artificielle leur permet de traiter des millions voire des milliards de données, parfois impossibles à détecter à l’œil nu, recueillies dans les vidéos. Les mouvements des joueurs sont alors décryptés pour fournir une analyse de leurs performances individuelles et collectives. Une méthode qui a fait ses preuves.
L’équipe de France de rugby a pu ainsi étudier les différences de jeu entre les équipes victorieuses et perdantes face aux All Blacks. Réponse : le temps de conservation du ballon par les joueurs. Un détail décisif dans la victoire des Bleus contre l’équipe néo-zélandaise en novembre 2021.
Prévenir des blessures
Pour optimiser la performance des joueurs, il faut aussi prendre soin de leur santé et l’IA s’en charge notamment par la modélisation des risques de blessures. « Des algorithmes peuvent définir à partir de quelle charge d’entraînement, un joueur risque une blessure grâce à des données biomécaniques et physiologiques du corps », explique Pierre Druilhet. Ces informations sont récoltées par des capteurs de vitesse, des GPS, des bracelets, montres et baskets connectées.
Ces intelligences artificielles sont aussi utilisées dans l’évaluation des performances de nouveaux talents. Afin d’investir dans un joueur performant, l’IA vient en appui des fameux chasseurs de tête dans le domaine sportif. Le Toulouse Football Club utilise la data dans ses choix de recrutement. Grâce à la couverture d’une soixantaine de championnats, le club récupère une masse de données sur des milliers de joueurs qu’il traite grâce à des algorithmes. Les points forts et faibles des joueurs sont alors soulignés pour que l’équipe recrute les joueurs dont elle a besoin.
L’IA dans le sport peut s’appliquer à différents niveaux : joueurs, arbitres, recruteurs mais aussi dans le sport amateur. Des applications grand public d’évaluation des performances existent déjà. En tête : Nike runs et les montres connectées (Fitbit, Apple Watch, etc). Des équipements 2.0 qui utilisent des IA embarquées. Elles scrutent nos performances comme celles des sportifs de haut niveau. « A` la seule différence que les IA utilisées dans la haute performance personnalisent davantage l’analyse de chaque joueur », décrit Pierre Druilhet. Et l’IA n’a pas fini de scruter les sportifs.
Avec en ligne de mire les JO de Paris 2024, elle gagne du terrain. Les performances des joueurs et joueuses olympiques et paralympiques seront non seulement scrutées par le public mais aussi par l’œil averti de l’IA. Le nouveau coach sportif virtuel.
Marthe Dolphin @DolphinMarthe
Isabelle Veloso Vieira @Isabellevlv