Une option payante pour éviter les publicités ciblées : va-t-on vers un modèle de réseaux sociaux par abonnement ? Florence Sèdes, professeure en informatique à l’Université Toulouse 3 répond à nos questions.
Est-ce que cette nouveauté de Meta peut être un premier pas vers des réseaux sociaux payants ?
Florence Sèdes : Oui, c’est peut-être une manière de reposer la question. Après, on peut faire le lien entre les réseaux sociaux et les médias. Que faut-il apporter à un média payant pour qu’il marche face à des médias gratuits ? Si je prend un média gratuit dans le métro, cela ne veut pas dire que je suis prête à payer une presse de qualité. Le débat va tourner autour de la valeur ajoutée d’un abonnement. Il y aussi un enjeu de communauté. C’est assez intéressant par rapport à Mastodon et Bluesky, par exemple. Il y a des utilisateurs qui ont basculé depuis X vers ces nouveaux réseaux sociaux, et d’autres qui sont restés sur X, pour pouvoir conserver la communauté qui les entouraient dessus.
Est-ce que cette possibilité d’abonnement soit le début d’un mouvement qui touche d’autres réseaux sociaux ?
F.D : Je ne pense pas. Facebook c’est très particulier comme usage. L’âge moyen des utilisateurs est très élevé. Ils l’utilisent à titre personnel, pour publier des photos de vacances… Je ne crois pas que les gens soient prêts à payer pour cela. Ce qui pourrait marcher, c’est un modèle semblable à celui de Linkedin, un réseau professionnel où payer un abonnement apporte une réelle plus-value.
Est-ce le passage à une certification payante sur X était un signal faible ?
F.D : Je ne pense pas que ce soit comparable. La certification Twitter [autrefois vérifiée par les services du réseau social, aujourd’hui disponible grace à un simple abonnement] n’est pas assez modérée pour apporter une plus-value. Si 80% de la pègre prend cette certification, personne du côté de X n’effectuera de contrôle. La vérification des profils perd alors de sa valeur. Et puis il faut avoir un public. Si X continue vers une formule payante comme Elon Musk a pu l’évoquer, est-ce vraiment utile en tant qu’utilisateur de X de s’adresser qu’à des personnes qui ont payé pour accéder au réseau ?
Cette possibilité de modèle hybride, un réseau gratuit avec des fonctionnalités payantes, peut-elle s’affirmer dans les années à venir ?
F.D : Oui certainement. Avec des choses plus spécialisées où l’on retrouve des niches. Mais le gros danger est de se retrouver avec des réseaux uniquement peuplés d’utilisateurs prêts à payer. Ils peuvent alors devenir des vases clos, où la modération n’est pas possible. On peut alors se retrouver avec des communautés conspirationnistes comme les incel ou Qanon qui ne peuvent pas être modérées.
V.L. Barrot
S. Orus Boudjema