A Bordeaux, les automobilistes n’ont plus la priorité

Troisième ville la plus congestionnée de France, Bordeaux souffre d’une circulation automobile de plus en plus laborieuse. Pour y remédier, le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, veut développer les mobilités douces. Mais, pour beaucoup d’automobilistes, cette stratégie écologique ne va pas fluidifier le trafic. Au contraire.

La circulation à Bordeaux ? Pour les automobilistes, elle est « compliquée !». Le mot revient sans cesse, y compris dans la bouche des plus aguerris.

Stéphane Roy est chauffeur de taxi depuis dix ans dans la ville. « Tout est fait pour pousser les bordelais à délaisser leur voiture en centre-ville », affirme t-il avec un ton désabusé, presque résigné : développement des voies de bus, des pistes cyclables, multiplication des feux rouges à l’approche des arrêts de tram, limitations de vitesses… Des avancées d’ordre écologique qui, selon lui, génèrent surtout un ralentissement général.

Le contournement de Bordeaux, l’Arlésienne

Une congestion qu’il estime renforcée par la rocade, bouchée en raison d’un surplus de camions.

« Cela fait vingt ans que les autorités nous parlent d’un projet de grand contournement de la ville de Bordeaux, que pourraient emprunter les routiers. C’est le seul moyen pour déboucher la rocade », assure le chauffeur. « Le problème, c’est que plus on attend, plus un tel chantier coûterait cher. »

Ces bouchons sont pour lui un manque à gagner. «Je mets de plus en plus de temps à effectuer mes courses. Pour déposer un client depuis la gare en centre-ville et revenir au point de départ, ça peut parfois prendre une heure. »

Auto-écoles dans les bouchons

Autre secteur touché par les travaux en faveur des mobilités douces : les auto-écoles. Bordeaux est « un calvaire », selon la gérante d’Aliénor conduite, qui ne cache pas son rêve d’exercer son métier en dehors de la ville.

Solène, monitrice à l’auto-école Gil, fait souvent part à ses élèves de son exaspération, pendant ses « pauses clopes ». Ils passent de plus en plus de temps dans les bouchons. Parfois la moitié de leur heure de conduite – surtout si elle a lieu à dix-huit heures.

Le Cours de la Somme, passé en sens unique pour les voitures en fin d’année… au grand désarroi des automobilistes. Crédit photo : A.M.

La transformation du Cours de la Somme en route à sens unique pour les voitures il y a deux mois n’arrange rien. Surtout en termes de sécurité : de nombreux usagers ne respectent pas encore le sens unique et continuent de rouler sur la voie désormais réservée aux bus, ce qui est difficile à anticiper pour les élèves.

Une question de sécurité

De manière générale, les bouchons créent plus d’impatience chez les automobilistes, qui respecteraient moins les distances de sécurité, comme sur la rocade, ou le code de la route en ville. Selon Solène, le quartier du Cours de l’Yser, où est implantée l’auto-école, est même devenu « une zone de non-code ».

Stéphane Roy aimerait que les autorités prennent davantage en compte l’expérience de ceux pour qui le métier consiste à conduire chaque jour en ville. D’ailleurs, le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, est le premier à reconnaître le problème de la circulation dans la ville.

Comme il l’affirmait le 18 janvier dernier, dans son point presse de début d’année : « avoir dépensé autant dans le tramway, mais pas seulement, pour finir dans le top des villes les plus embouteillées de France, on ne peut pas dire que ce soit une franche réussite ». Pour autant, la voiture apparaît peu dans son plan pour améliorer la mobilité de la ville : on y trouve surtout un « plan piéton », un plan cyclable pour relier les communes entre elles, un projet de RER métropolitain, et même un téléphérique qui relierait les deux rives de la Garonne.

Les prémices d’un centre-ville sans voiture ? « Pourquoi pas ? » répond Stéphane Roy, mais à une condition : « que les transports en commun soient une vraie alternative. Et il y aura toujours une partie de la population, notamment les personnes âgées, qui ne pourront pas les emprunter à cause de leurs difficultés pour se déplacer. On ne peut pas obliger tout le monde à abandonner la voiture ! »

Alexis Montmasson