Sur la plateforme, les productrices de contenus font la guerre aux comportements toxiques et au harcèlement à coup de modération et de « chatbots ».
Capture d’écran du live de la streameuse Alysta
Cela fait cinq ans que Raumane streame sur Twitch. Cinq ans qu’elle propose à ses presque 20 000 followers de partager en direct ses parties de jeux-vidéo. Comme de nombreuses créatrices de contenus sur internet, la jeune femme de 25 ans sait qu’elle est une cible privilégiée de nombreux harceleurs en ligne.
Sur la plateforme de diffusion en direct, les commentaires déplacés sur le physique des streameuses ou les réflexions misogynes sont devenues monnaie courante et les choses ne vont pas en s’arrangeant. Raumane déplore un environnement anxiogène qui l’expose elle et ses collègues à une vague de haine « à la moindre phrase, au moindre geste ».
Remarques physiques
Comme de nombreuses femmes sur internet, la streameuse est victime de nombreuses remarques sur son physique. Elle les supprime systématiquement de son fil de discussion « qu’elles soient positives ou négatives », parce qu’elle « n’est pas là pour ça ».
Cette objectivation du corps des streameuses, Alysta en est aussi victime. Cette streameuse de 18 ans produit du contenu depuis dix mois sur la plateforme et elle a du mal à supporter l’image que certains internautes peuvent avoir du corps de la femme. « Dès qu’une femme est sur Twitch, il y a des gens qui vont rapporter son contenu à de la prostitution en disant qu’elle met ses atouts en avant pour gagner de l’argent », déplore-t-elle. Comme Raumane, Alysta confie avoir déjà changé de tenue avant de lancer un live. « Ça m’arrive souvent en été, livre-t-elle, lorsque j’ai passé la journée en débardeur, j’enfile un t-shirt avant de streamer pour éviter certaines réflexions. »
Une communauté et des “chatbots” pour se protéger
La première arme des streameuses pour se protéger de potentiels harceleurs, c’est leur communauté. Des « viewers » réguliers que Raumane a mis du temps à fidéliser à son contenu et qui assurent une ambiance saine dans son chat de discussion en direct. Parmi eux, six modérateurs qu’elle a soigneusement choisis. Des « personnes de confiance » qui bannissent chaque spectateur qui aurait un comportement déplacé envers elle ou tout autre personnes du chat. Cela arrive « au moins deux ou trois fois par live », assure Raumane.
Mais avec des centaines de viewers – voire des milliers pour certaines – connectés en simultané, les modérateurs ne suffisent parfois pas pour faire la police dans le chat. Alors, pour pallier ce manque, ces streameuses ont installé des « chabots ». Des robots programmés pour bannir automatiquement l’utilisation de certains mots dans le fil de discussion en direct. Ils leur permettent d’échapper à « toutes les insultes comme « pute », « salope » et toutes les injures raciales ou homophobes », explique Alysta.
Bienveillance
Pour permettre aux streameuses de lutter contre les utilisateurs toxiques, Twitch a lancé en juillet 2022 « Twitch shared ban info ». Une fonctionnalité qui permet aux créateurs et créatrices de contenus de partager entre eux les listes de personnes qu’ils ont bannies sur leurs chaînes.
Une initiative qui permet à de nombreuses femmes de continuer à partager leur amour pour le jeu vidéo en toute sérénité. Car Twitch est avant tout une plateforme de passionnés où « la majorité des gens sont bienveillants », tempère Alysta pour qui les premiers pas dans le monde du streaming sont avant tout positifs.
Alexis Gonzalez & Mathis Slimano