Maud Watts, jeune ouvrière londonienne, va peu à peu intégrer le groupe des suffragettes, sévèrement réprimées par l’État. Leur combat pour obtenir le droit de vote ne se fait pas sans renoncements et souffrances.
Au festival du film d’histoire de Pessac, à la fin de la projection, Michelle Perrot, célèbre historienne spécialiste de l’histoire des femmes, s’est attardée dans la salle, soulignant à quelques spectateurs son amour pour ce film, à la reconstitution historique rigoureuse. Nous voilà plongé dans Londres, au début des années 1910. On suit le quotidien d’une jeune ouvrière, Maud Watts, qui travaille dans une blanchisserie. Ses conditions sont difficiles, « La carrière est courte dans notre métier », indique-t-elle à la Chambre des lords, à la demande de ses amies suffragettes. D’abord spectatrice de leurs actions, elle va peu à peu s’y engager pleinement. Mais l’embrassement de cette cause ne se fait pas sans sacrifices pour cette femme, mariée et mère de famille. Les mentalités, les lois, corsètent les existences, la honte publique s’abat sur toute forme de dissidence.
Jusqu’où peut-on aller lorsque les manifestations pacifiques n’ont pas d’effet ? Les débats à ce sujet sont vifs parmi ces militantes tant leurs vœux restent pieux. Une solution est trouvée dans les actes de désobéissance civile qui nécessitent parfois, dans le but d’impacter la société et d’obtenir une tribune, le recours à des formes de violence. Alors, est-elle un mal nécessaire à tout changement politique ? La question que se posent Maud et ses amies est ancienne, mais reste tout à fait contemporaine. Œillets rouges au bout du fusil, la révolution portugaise de 1974 s’est déroulée pacifiquement, tandis que les soulèvements sanglants quant à eux ne manquent pas…
Les suffragettes, menées par quelques femmes charismatiques, dont la célèbre Emmeline Pankhurst, fondatrice de la « WSPU » (Women’s Social and Political Union), jouée par Meryl Streep, affermissent, non sans défections et sacrifices, leurs actions. Elles subissent en retour la main de fer d’un gouvernement inflexible. Les compositions immersives et profondes d’Alexandre Desplat viennent donner davantage de chaleur à des corps, des vies, usées par un pouvoir intransigeant.
La bataille médiatique est aussi centrale dans les deux camps. Les actions des militantes sont minorées par des journaux censurés ou peu acquis à leur cause. Le regard est porté sur le choix des mots, sur le commentaire. Un film de fiction proche du documentaire par sa précision, qui pose des questions profondes sur le sacrifice et l’engagement politique.
Raphaël Jacomini
« Les suffragettes » de Sarah Gavron.
Royaume-Uni. 2015. 106 minutes.