Dans un documentaire captivant, la réalisatrice Camille Ménager raconte l’histoire de Gerda Taro, photojournaliste engagée et passionnée morte à l’âge de 26 ans.
L’histoire commence par la découverte d’une photo. En noir et blanc. Celle d’un soldat soignant une femme sur un lit d’hôpital. Ce cliché, son propriétaire l’a posté sur Twitter pour connaitre l’identité de cette jeune blessée dont s’occupe son père. Il s’agit de Gerda Taro.
Dans son documentaire, Sur les traces de Gerda Taro – présenté au festival international du film d’histoire de Pessac le 17 novembre – Camille Ménager nous embarque à la découverte de cette photojournaliste de guerre. À travers les témoignages de spécialistes – Allemand, Américain et Espagnol – et de pellicules de photos, on découvre une jeune femme aux cheveux blonds tirant sur le roux. Née Gerta Pohorylle en 1910 en Allemagne, celle qui se rebaptise Taro en 1936 est décrite comme une femme courageuse, passionnée par le jazz, la mode et la danse. Militante antinazie, elle est emprisonnée pendant deux mois après avoir distribué des tracts en 1933 « elle était en robe en arrivant en prison. Elle partait danser lorsqu’elle a été arrêtée », relataient ses compagnons de cellule.
Pendant 57 minutes, le duo piano violoncelle et la voix de Céline Sallette nous accompagnent dans la vie de cette photojournaliste engagée et passionnée. Une pionnière dans son domaine. Les plans et vidéos d’archives s’enchainent à un rythme effréné. À l’image de la vie intense qu’a menée Taro.
La photographie au péril de sa vie
Après l’Allemagne, Gerda Taro s’envole pour Paris, y rencontre Endre Erno Friedmann – photographe de guerre qui deviendra Robert Capa -, se passionne pour la photographie. Puis elle part à la conquête de l’Espagne, suit les combats aux côtés de combattants Républicains. C’est là-bas qu’elle fera ses armes, « ses photos expriment la folie des hommes ». Elle aime aussi capturer des images de femmes et d’enfants. Taro tient à rendre compte des combats, refuse de quitter le terrain malgré des bombardements toujours plus violents. Elle mourra près de Brunete, à l’ouest de Madrid, renversée par un char.
Pour illustrer le drame, l’œil affuté de Camille Ménager s’arrête sur un arbre. Perdu entre une route et un champ. Le plan peut paraître anodin. Mais l’image est marquante. « Il a poussé pendant la guerre de Brunete. C’est le seul à savoir ce qu’il s’est passé ce 26 juillet 1937. L’unique témoin ».
Ses obsèques au cimetière du Père-Lachaise sont suivies par des milliers de personnes. Aucune image de ce moment n’a été capturé mais Louis Aragon a écrit « Le peuple de Paris fit à la petite Taro un enterrement extraordinaire où toutes les fleurs du monde semblaient se donner rendez-vous ».
Pendant près d’un demi-siècle, le travail de Taro et son nom tombent aux oubliettes. En 2007, une « valise mexicaine » remplie de négatifs est retrouvée à Mexico. Les clichés de Gerda Taro refont surface. Son histoire aussi.
Camille Ménager souhaitait raconter Taro différemment. Sans s’y intéresser pour son idylle avec Robert Capa comme beaucoup d’autres l’ont fait. Un pari audacieux tant les traces de l’histoire de la photojournaliste sont rares. « On ne sait pas tout », regrette Camille Ménager. Pourtant, le contrat est rempli. L’hommage à Gerda Taro est captivant. Le travail d’enquête et la pertinence des experts servent parfaitement le fond. Seul regret pour la réalisatrice : l’auteur du cliché montrant Taro soignée par un soldat Espagnol avant de mourir reste inconnu. Elle l’assure, les recherches sont toujours en cours.
Ludivine Ducellier
« Sur les traces de Gerda Taro », de Camille Ménager 57 minutes