« Hans Hartung, la fureur de peindre », le nouveau film de Romain Goupil, est un hommage posthume à l’oeuvre singulière du peintre abstrait. Le film sort alors qu’une rétrospective au Musée d’Art Moderne de Paris lui est consacré.
Au commencement, la foudre. C’est par des éclairs zébrant le ciel que la vocation artistique d’Hans Hartung apparaît et que le documentaire de Romain Goupil commence. « Hartung, la fureur de peindre », c’est d’abord cela : l’hommage d’un cinéaste à l’œuvre d’un peintre qu’il découvre tôt mais qui ne le fascinera que plus tard.
Filmer les peintures abstraites d’Hans Hartung était un défi intimidant. Romain Goupil dit avoir songé à abandonner face à la difficulté de la tâche. Mais c’est en retraçant la vie du peintre que le réalisateur en a été convaincu. Dans un documentaire de 52 minutes, Romain Goupil raconte comment la vie d’Hartung façonne ses oeuvres.
Présenté le 19 novembre 2019 lors de la 30ème édition du festival international du film d’Histoire de Pessac (FIFH), « Hans Hartung, la fureur de peindre » est le treizième film de Romain Goupil.
Figure(s) d’engagement
Les peintures d’Hans Hartung sont spéciales. Nées d’un esprit scientifique et mathématique, elles sont abstraites. D’abord des lignes, des courbes, des zigzags, semblables à ces éclairs qui effrayaient tant le jeune Hartung. Bientôt, des points, des aplats, le cosmos… Peu étonnant pour un peintre fasciné par l’astrologie.
A travers ce film, Romain Goupil témoigne à nouveau de son respect pour la peinture, douze ans après avoir réalisé « Courbet, les origines de son monde ». Mais l’engagement d’Hans Hartung au cours de sa vie compte aussi pour le réalisateur, figure de Mai 68. Comment ne pas avoir un destin européen lorsque l’on naît dix ans avant le début de la Première Guerre mondiale et que l’on meurt dix jours après la chute du mur de Berlin ?
De sa venue au monde à son décès, Hans Hartung s’est opposé à tous les totalitarismes. Il s’engage même dans la Légion étrangère de l’armée française pour combattre le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale. Blessé à Belfort en 1944, il ressortira du conflit amputé d’une jambe.
Cet engagement contre le nazisme, Romain Goupil le défend devant notre caméra.
« Hartung est abstrait, antifasciste et citoyen du monde. Il a donc tout pour être stigmatisé parmi les artistes que Hitler qualifie de dégénérés. Je suis du côté des dégénérés, bien sûr», raconte d’une voix rauque le réalisateur dans son documentaire.
Filmer l’art « dégénéré »
Ce rejet de l’œuvre d’Hartung et de l’ensemble de l’art moderne par le régime nazi, le réalisateur y voit à l’inverse une forme de légitimité. Et s’interroge sur le fait qu’une idéologie ait pu interdire une forme d’art, pour peu qu’elle soit abstraite, cubiste ou surréaliste.
Ici, en plus de l’hommage rendu, le réalisateur a souhaité tenter l’expérience de filmer l’abstraction. Ce qu’il considère comme éminemment plus difficile que de capter l’art figuratif.
Il a donc fallu travailler sur le cadre pour que l’impact des peintures abstraites d’Hans Hartung ne s’en trouve pas modifié. L’habillage sonore aussi, avec une musique volontairement sombre et lancinante, favorise l’immersion.
Collaboration avec le Musée d’Art Moderne
« Hans Hartung, la fureur de peindre » est présenté au FIFH alors même qu’une rétrospective rend hommage au peintre au Musée d’Art Moderne de Paris du 11 octobre au 1er mars.
Le film doit permettre de découvrir Hartung autrement, plus lentement, dit Romain Goupil. « De nombreux tableaux que j’ai filmés pour le film se retrouvent dans l’exposition », précise-t-il.
Un double hommage au peintre, figure incontournable de l’art abstrait, 30 ans après sa mort.
Thibaut Ghironi et Théophile Larcher
* « Hans Hartung, la fureur de peindre » est disponible en replay sur Arte ici jusqu’au 15 janvier 2020.