Sarah Gavron porte à l’écran le combat des Suffragettes, militantes anglaises pour le droit de vote des femmes. La promesse de fidélité historique est respectée mais la réalisation manque de sel.
Cela fait 50 ans que les femmes militent pacifiquement en Angleterre pour le droit de vote. Face à l’indifférence des hommes, un groupe, Les Suffragettes, décide de mener des actions coup de poing. Le personnage principal, Maud Watts, ouvrière exploitée dans une blanchisserie, se retrouve enrôlée dans le combat de ces femmes.
Interprétée par Carey Mulligan, Maud séduit d’abord par ses contradictions. En elle se cristallisent les ambivalences des femmes face à ce mouvement d’ampleur inédite. Un temps réticente, elle se trouve embarquée malgré elle par une de ses collègues militantes. Le déclic se produit lorsqu’on lui annonce qu’elle n’a aucun droit sur son fils. Maud décide alors de s’engager et devient l’une des plus grandes figures de la rébellion. Cette ascension rapide est bien filmée, quoique sans surprise. Le spectateur tremble quand Maud se fait arrêter, pleure quand on lui arrache son fils, s’offusque quand les femmes sont violentées sous les yeux des hommes impassibles. Les émotions sont là où on les attend.
Ce scénario prévisible, respectueux de la réalité historique, est à l’image de la réalisation trop lisse, trop sage, peu singulière. On est plongé dans l’atmosphère du Londres du début du 20e sans y être transporté pour autant. Rien n’est suggéré, tout est montré avec insistance. La scène du gavage des prisonnières en grève de la faim se prolonge plus que nécessaire. Seule l’histoire déchirante de Maud avec son fils George questionne. Au risque du simplisme, la réalisatrice utilise cette séparation comme le point de départ du militantisme de la jeune femme. Dès la scène suivante, elle commandite un attentat. Cette question de vraisemblance parasite le récit à tel point que le sujet des Suffragettes devient plus intéressant que le film lui-même, bien trop soucieux de plaire au plus grand nombre. Ce conformisme-là sied mal à l’illustration de ce féminisme farouche.
Aurore Esclauze et Alexandra Jammet
Les Suffragettes, film britannique de Sarah Gavron, 1h47. Sorti le 18 novembre 2015.